Les riverains de ce quartier de Saint-Denis (93) sont perplexes face à la transformation express de leur environnement. Même si la mairie promet qu’après les nuisances viendra un lieu chaleureux et attractif.

À huit mois des jeux olympiques, les camions se succèdent autour des chantiers au sud de Saint-Denis (93). Le quartier Pleyel se transforme à vue d’œil en un « hub du tourisme d’affaire » avec une forte concentration d’hôtels et un centre des congrès flambant neuf. Le tout, au cœur de Paris 2024 et du Grand Paris Express avec bientôt quatre lignes de métro. 

En 2021 pourtant, la justice stoppe le projet de la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) Pleyel, trop imprécise. Elle devait transformer le quartier populaire en un « nouveau La Défense ». Alors que de nombreux bureaux sont déjà construits, décision est prise par l’intercommunalité d’orienter le projet vers le tourisme d’affaire. 

Une controverse sanitaire 

Mais les oppositions se multiplient aux alentours. Sur l’école Anatole France, des affiches dénoncent par exemple un nouvel échangeur autoroutier. Construit après l’épuisement de tous les recours juridiques, il encercle l’école pour relier l’A86. Il est jugé à contre-sens de l’urgence climatique par des parents d’élèves, des associations comme Respire et, plus largement, par l’UNICEF dans un rapport de 2021. Le niveau de particules fines autour de l’école est déjà cinq fois plus élevé que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) selon les relevés de l’association Respire

Affiches sur la façade de l’école Anatole France à Saint-Denis (93) contre l’échangeur autoroutier voisin – Crédits: Samy Hage

Le directeur de cabinet de la mairie de Saint-Denis, David Lebon, conteste les relevés de l’association Respire. Selon lui, ils ne prennent pas en compte la fluidification attendue du trafic. S’il concède que le niveau de particules fines n’est pas totalement conforme aux recommandations de l’OMS, il estime toutefois que « l’air autour de l’école Anatole France est pollué comme il l’est autour d’une école du 15ème arrondissement de Paris ». Il est catégorique : « les impacts positifs [du projet] surpassent les impacts négatifs ».

Une orientation économique floue

Parmi les principales retombées attendues,  la future desserte en métro de l’aéroport Charles de Gaulle doit doper l’attractivité touristique du secteur. Cela devrait générer des emplois dans les services « adaptés au niveau de qualification des locaux ». Le directeur de cabinet précise également que les habitants profiteront de nouveaux logements et d’une « programmation urbaine avec des équipements, des loisirs et de la restauration ». Mais celle-ci ne sera définie qu’après les Jeux Olympiques. 

Beaucoup reste donc à préciser. Cécile Gintrac, membre du comité de vigilance JO 2024, explique au micro de France Culture : « il y a eu un effet de panique donc on est en train de repenser le quartier de Pleyel comme un quartier hôtelier sans études sur sa viabilité […] L’orientation économique n’a jamais été décidée » en raison de l’échéance olympique. Elle dénonce aussi le manque d’espaces verts dans ce quartier « déjà très minéralisé ».

Des logements plus chers

Autre travers : les prix des nouveaux logements sont prohibitifs pour les locaux. Dans un bureau de vente éphémère – très nombreux dans le quartier – un commercial de Vinci Immobilier admet que le prix des appartements (5 000 €/m2 en moyenne) est « cher pour quelqu’un qui vit à Saint-Denis depuis 15 ans mais pas pour quelqu’un qui vient du 8ème arrondissement ». Ce type de public viendra-t-il ? Le vendeur se montre plus évasif et rappelle plutôt que « l’immobilier vit une période compliquée avec une hausse des taux de crédit ». 

Les bureaux éphémères de vente immobilière se multiplient dans le quartier de Pleyel à Saint-Denis (93) – Crédits: Samy Hage

La demande semble aussi se faire attendre pour les bureaux neufs. Au Campus Pleyad – un complexe commercialisé par trois sociétés – plusieurs entreprises quittent déjà les lieux. Malgré la salle de sports, les divers restaurants et les jardins qui devaient, selon l’un des promoteurs, BNP Paribas Real Estate, « compenser le manque de services à l’extérieur ». 

De fait, le gérant d’un bar sous la tour Pleyel s’étonne qu’il n’y ait « presque pas de restaurants aux alentours », alors que sa clientèle se diversifie. Mais les services intégrés de restauration au sein des immeubles privés ne poussent pas les salariés à fréquenter des adresses à l’extérieur… David Lebon assure toutefois que cela n’est qu’une affaire de temps. Dix ans, c’est le cap qu’il fixe pour terminer le quartier et sa programmation urbaine. Pour les riverains, le temps presse. 

Samy Hage

Photo de une: Bureau de vente éphémère sous les travaux de la tour Pleyel à Saint-Denis (93) le 10/11/2023 – Crédits: Samy Hage

Cet article est paru initialement sur ParisGo, blog du cours de journalisme en ligne.