De nouvelles méthodes de contraception masculine émergent et une poignée d’hommes décident de sauter le pas. Malgré tout, la charge contraceptive reste du côté des femmes.

La question de la contraception masculine naît de l’exclusion des hommes des groupes de paroles du Mouvement de libération des femmes (MLF) dans les années 1970. D’abord vexés d’être ainsi exclus par leurs épouses, mères ou sœurs, une poignée d’hommes en viennent à se questionner sur leur rôle à jouer dans cette révolution féministe. Une idée saugrenue émerge : pourquoi ne pas partager la charge contraceptive ? C’est ainsi que naît l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (ARDECOM), explique son président Daniel Aptekier. Dix ans après, une Une de Libération annonce même “la pilule masculine pour demain”. Quarante ans plus tard, on l’attend encore…

“Je n’y avais jamais pensé avant”

Quand la copine de Vincent, étudiant de 23 ans, lui annonce, il y a quatre ans, qu’elle ne veut plus prendre la pilule, il se met pour la première fois à questionner sa propre contraception. “Je n’y avais jamais vraiment pensé avant”, avoue-t-il. Erwan Taverne, président du groupe d’action et de recherche pour la contraception (GARCON), le constate : “sur le terrain, ce sont les femmes qui sont motrices. Dans la quasi-totalité des cas, les hommes viennent se renseigner parce que leur partenaire leur en a parlé.” Samuel, étudiant et contracepté endurci, confie lors d’un atelier de couture de slips chauffants : “J’échange souvent avec une fille qui souhaite se renseigner sur la contraception masculine, mais je n’ai jamais eu de contact avec son mec.”

En plus d’être motrices dans la sphère privée du couple, ce sont aussi les femmes qui portent le sujet au sein de la société. Si la presse généraliste commence à s’intéresser doucement à la contraception masculine, ce sont avant tout les magazines féminins qui s’en emparent : Santé magazine, Causette, Femina, Néon, Madame Figaro, Le Journal des femmes, etc. Le même phénomène se produit sur la scène politique. L’article du “projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022” qui promeut le partage de la charge contraceptive a été déposé par trente-cinq députés, dont vingt-deux sont des femmes. 

Défier la norme

Selon la sociologue Mireille Le Guen, le manque d’intérêt des hommes vis-à-vis de leur contraception s’explique d’abord par la “norme contraceptive française”. En effet, “depuis les années soixante, la recherche sur la contraception a développé des méthodes féminines plutôt que masculines”. Encore aujourd’hui, les médecins, en “enjoignant aux individus de passer du préservatif à la pilule, les invitent à passer d’une responsabilité a priori partagée de la contraception à une responsabilité uniquement féminine”. Elle explique aussi que la contraception masculine peine à se développer, car “il n’y a pas de risque pour leur corps du fait de ne pas utiliser de contraception. Celui de se retrouver avec un enfant qu’ils ne veulent pas n’est pas forcément pris en compte”. De plus, “les nouvelles méthodes de contraception masculine disponibles ne sont pas reconnues comme telles par les instances de régulation du médicament”.

Depuis les années soixante, la recherche sur la contraception a développé des méthodes féminines plutôt que masculines.
crédits : Regis Duvignau/cc

Pour les hommes qui sautent le pas, c’est le parcours du combattant. Parmi les “nouvelles” méthodes de contraception masculine (en-dehors du préservatif et de la vasectomie), la méthode dite “thermique” est la plus médiatisée. Brieuc, étudiant en région parisienne, se souvient de l’expression perplexe qu’a prise son urologue lorsqu’il a abordé le sujet en consultation : “Je lui ai parlé des slips chauffants et il m’a dit qu’il ne connaissait vraiment pas.” Cette contraception consiste à augmenter légèrement la température des testicules en les rapprochant du corps à l’aide d’un sous-vêtement adapté, à porter au moins quinze heures par jour. Mais le seul médecin qui propose de fournir ces sous-vêtements et d’assurer le suivi médical est le docteur Roger Mieusset, qui exerce au CHU de Toulouse. Des sous-vêtements qui sont d’ailleurs “fabriqués sur-mesure par une couturière”, confie à demi-mot Daniel Aptekier.

Les dérives

L’errance médicale autour de la contraception masculine entraîne des « dérives », selon le président d’ARDECOM. À l’autre bout du fil, il s’exaspère de la commercialisation de l’andro-switch, un anneau en silicone inspiré des travaux du docteur Mieusset. “On présente l’anneau thermique comme si c’était la même chose que les travaux de Mieusset, mais il n’y a aucune étude sur l’efficacité de cette méthode, si ça ne marche pas, ça retombe toujours sur les femmes”, déplore-t-il. Le docteur Jean-Claude Soufir, spécialiste de la contraception masculine, partage le même avis : « L’andro-switch est vendu 35 euros par une société privée, sans aucune validation scientifique.” Il est interdit à la vente depuis décembre 2021, car il ne porte pas de marquage sécurité CE.

Même avec une méthode validée par l’organisation mondiale de la santé comme la méthode hormonale (qui consiste à faire des injections hebdomadaires de testostérone pour diminuer la production de spermatozoïdes), la charge mentale ne quitte jamais vraiment les femmes. L’auteur de la BD “Les contraceptés”, Stéphane Jourdain, raconte l’anecdote d’une femme dont le “partenaire prenait des injections hormonales, mais avait oublié son injection pendant un de ses voyages. C’est elle qui a dû la lui envoyer par colis pour qu’il l’ait le lendemain ». Il explique que “dans un monde idéal la question se poserait pour les deux personnes. Mais même dans ces cas-là, je ne sais pas si la contraception masculine ne serait pas toujours liée aux femmes”.

Mathilde Hoarau

Crédits photo de Une : Sasint/Pixabay/cc

Cet article a été écrit dans le cadre du cours de presse écrite en janvier 2022.

Le “ja-couille-zzi” : à la pointe de la contraception masculine

Les méthodes de contraception masculine existantes tendent à être un poil contraignantes, entre le slip chauffant à porter 15 heures par jour et la vasectomie (pas toujours réversible), cela donne toujours plus de raisons aux hommes de ne pas s’y coller. Qu’à cela ne tienne, l’ingénieure allemande Rebecca Weiss vient d’inventer Coso, une mini-baignoire élégante pour testicules. Ce petit bijou de technologie à base d’ultrasons permet de “modifier temporairement la spermatogenèse”, explique la gagnante du James Dyson Award 2021. Quelques minutes de trempette par jour suffiraient pour obtenir un effet visible au bout de deux semaines, à renouveler environ tous les deux mois pour une efficacité optimale. Mais ce n’est pas pour tout de suite, car l’entreprise est encore en attente de financements pour pouvoir poursuivre des essais cliniques plus probants.

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