Malgré le contexte sanitaire, la poésie garde ses défenseurs. À Paris, le Club des Poètes trouve de nouvelles voies pour la faire vivre.

D’habitude, à vingt-deux heures, Blaise Rosnay prend place sur l’estrade du Club des Poètes, son restaurant au 30 rue de Bourgogne. Il porte sa tenue de travail, composée d’un béret, de lunettes, d’un falzar simple et d’une chemise retroussée. Toute autre personne aurait l’air déguisée ; lui, ça lui sied à merveille. Face aux clients attablés, il récite des vers ou des textes en prose de Charles Baudelaire, d’Aragon ou encore d’Anna de Noailles dans ce restaurant aux allures de tavernes, qui, depuis 1961, se bat pour « rendre la poésie contagieuse et inévitable ».

Mais comme la plupart des restaurateurs d’Île-de-France, il a dû cesser toute activité afin de respecter les nouvelles mesures sanitaires prises par le gouvernement. Aujourd’hui, c’est sur internet que le propriétaire du Club des Poètes, également fils du fondateur, partage ses textes favoris.

Une résistance poétique

Assis devant une bibliothèque encombrée de livres, Blaise Rosnay lit des poèmes de Fernando Pessoa d’une voix aussi douce que mélancolique : « On n’apprécie pas la liberté si on ne l’a jamais vécu sous la contrainte. » À la fin de sa récitation quotidienne, il lève les yeux vers sa webcam et remercie le public d’être venu. Son audience virtuelle l’applaudit à coup de likes et d’émoticônes.

Durant le premier confinement, de nombreuses personnes ont suivi son exemple et se sont filmées récitant des textes qui leur tenaient à cœur depuis leur balcon ou leur chambre. Ainsi des visages de tous les âges et de toutes les origines ont envahi la page Instagram de l’établissement. Une initiative que Blaise Rosnay souhaite poursuivre cet hiver.

« Nous avons créé une chaîne de poésie avec plein d’amis et on publie tous les jours des enregistrements de textes. C’est l’idéal pour les timides qui désirent partager des poèmes, mais qui n’ont pas tellement envie de passer à l’image. »

Pour lui comme pour ses compagnons poètes, il est indispensable de continuer à raviver la flamme littéraire « malgré les confinements, les dé-confinements, les feux couverts, et les ombres masquées, avec de nouvelles façons de se réunir dans la seule vraie réalité qui soit, l’amour et la poésie. »

Des récitations en direct

Désormais, les réunions du Club ont elles aussi trouvé leur refuge sur Facebook. « Quand je passe faire des trucs au restaurant, je laisse mon numéro sur la page, comme ça ceux qui le souhaitent peuvent appeler pour écouter un poème. Je garde aussi le contact avec tous les amis du Club et on travaille sur la revue “Vivre en Poésie” en ligne. »

Tous les mardis, vendredis et samedis, les membres du groupe se retrouvent pour lire des vers en direct. « C’est une expérience très différente, admet Axelle, étudiante et adepte d’Arthur Rimbaud. On aimerait pouvoir partager ce moment en vrai, mais c’est déjà ça. » D’autres visiteurs, comme Fabien, se réjouissent de voir ce contenu sur le web : « J’ai rarement l’occasion de venir sur Paris. Là, cela me permet de participer à ces soirées et de découvrir de nouveaux textes. »

Anaëlle Jonah

Photo de une : Aaron Burden / Unsplash / CC0

Cet article est paru initialement sur ParisGo, blog du cours de journalisme en ligne.