Étudiante à Sciences Po Paris, Camille Étienne a décidé de prendre une année de césure pour se consacrer à l’activisme environnemental. Elle enchaîne les plateaux TV, rencontres et débats, pour éveiller les consciences sur l’urgence écologique.

La scène se passe le 27 août 2020 à l’hippodrome ParisLongchamp, lors de l’université d’été du Medef. Alors que les réflexions sur le « monde d’après Covid » fleurissent tous azimuts, la jeune militante Camille Étienne ose soumettre l’idée qu’il faudrait « travailler moins, mais avec un peu plus de sens. » L’animatrice, modératrice du débat, ricane ; l’assemblée de grands patrons aussi. Imperturbable, Camille Étienne poursuit son argumentation, défendant la théorie de la décroissance économique. « Je suis habituée à ce genre de réactions. Dire adieu au « vieux monde », c’est difficile. Parfois, les personnes qui me rient au visage sont les premières à venir me féliciter en coulisses, c’est assez étrange », témoigne la militante.

Lanceuse d’alerte

Son envie de préserver l’environnement est certainement liée à l’endroit où elle a grandi, entourée de montagnes, en Savoie. Hyperactive, elle s’engage dans la vie associative, et fait naître, en 2014, l’antenne d’Amnesty international dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Un an plus tard, alors que la France traverse une crise migratoire qui divise l’Europe, la jeune femme se joint au Secours Catholique et se rend dans la jungle de Calais. À 18 ans, elle débute une double licence philosophie-économie à Sciences Po Paris et à la Sorbonne. « J’ai découvert des gens très instruits dans certains domaines, mais qui n’avaient pas forcément cette connaissance de la terre et de la nature. À ce niveau-là, je ressentais un décalage », décrit-elle.

Lanceuse d’alerte, elle vulgarise des données glaciologiques, météorologiques et biologiques afin d’alerter sur le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. « Camille est une fille extrêmement déterminée qui n’hésite pas à passer beaucoup de temps et d’énergie dans tout ce qui lui tiens à cœur » estime Pablo, son frère cadet. En plus des manifestations et des réunions scientifiques, la militante agit auprès du mouvement écologiste « Extinction Rébellion. » « Nous menons des actions non-violentes. On débouche des bouteilles de coca-cola, on éteint la lumière des magasins la nuit, des choses comme ça », détaille l’activiste.

Crédit photo : Camille Étienne
Un succès soudain

En mars 2020, Camille Étienne incarne le rôle principal du court-métrage « Réveillons-nous. » Débardeur et cheveux aux vents, la jeune femme s’adresse à la génération Y, de manière frontale : « Nous sommes la première génération à vivre les conséquences du réchauffement climatique et la dernière à pouvoir y faire quelque chose. Ils ont déconfiné nos corps, il va falloir déconfiner notre flemme. » La vidéo devient virale, cumulant plus de 15 millions de vues sur la toile.

« La notoriété ? D’un côté ça flatte l’égo, mais parfois, les critiques, ça peut faire mal », confie la militante. Pour Solal Moisan, réalisateur du clip, « Camille utilise sa rhétorique pour mettre à mal les représentants de notre vieux monde. Sous pression elle est capable de se dépasser, son esprit voyage beaucoup mais quand il est focalisé, elle est très efficace. »

Surnommée la « Greta Thunberg française », elle est devenue, depuis un an, la porte-parole de la « génération climat » et collabore désormais avec Anuna de Wever, Luisa Neubaer et Greta Thunberg, cette « bande de meufs badass » venue de toute l’Europe. « Ensemble, on observe tout ce qui se passe à l’échelle de l’Union européenne, et on agit. Pour le vote de la politique agricole commune, on a inondé les boîtes mails des députés. On a aussi pu obtenir un rendez-vous privilégié avec la vice-présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, pour discuter de cette PAC et de différentes mesures environnementales. »

Un avenir en politique ?

Les politiques, les chefs d’entreprise et les médias se l’arrachent. « Même si je devais débattre avec Marine Le Pen, je foncerais. C’est justement ceux qui ont des idées éloignées des miennes qui m’intéressent. » En septembre dernier, elle affrontait dans un face-à-face, Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle de 2022. Une confrontation qu’elle a immédiatement commentée sur ses réseaux sociaux.

Camille Étienne commente le débat sur un post de son compte Instagram

Un avenir en politique ? « Je pars du principe que pour s’engager, il faut avoir du vécu. » répond-elle. « Et mine de rien, je pense déjà faire de la politique avec les filles, je travaille pour le bien-être de la « cité », on partage des articles, on met en avant des idées nouvelles donc la « politique politicienne », on en fait quelque part, mais différemment. »

Gwenn Allanic

Crédit photo de Une : Solal Moisan

Cet article a été écrit dans le cadre du cours de presse écrite le 26 février 2021.